Mandat d’étude
Nouvelle étude du Prof. José Ramirez sur le désendettement
Évaluation de l’impact de la Fondation genevoise de désendettement—FgD sur ses bénéficiaires
La Fondation genevoise de désendettement – FgD – a pour but d’aider financièrement des personnes en situation d’endettement, voire de surendettement.
Cette aide se réalise principalement par le biais d’un prêt, sans intérêt, et d’un accord entre les deux parties qui définit un calendrier de remboursement soutenable pour la personne et sa famille.
Dans la majeure partie des cas, un don est octroyé afin de compléter le prêt, cela vise à solder toutes les dettes.
La présente étude s’intéresse aux personnes qui ont effectivement bénéficié d’une aide financière de la FgD (depuis sa création en 2011), sans prendre en compte le processus de tri et de sélection des dossiers envoyés essentiellement par les réseaux socio-sanitaire ou d’aide sociale du canton.
Cette population de bénéficiaires est composée de deux sous-populations :
- La première est constituée des dossiers dits « passifs », qui concernent des personnes ayant obtenu dans le passé une aide de la FgD, mais qui ne sont plus en relation avec cette dernière.
- La deuxième est celle des dossiers dits « actifs », qui concernent les personnes qui sont encore en relation avec la FgD, autrement dit celles qui remboursent encore leur prêt.
Sur la base des fichiers internes à la FgD, cette distinction entre bénéficiaires associé.e.s à un dossier « passif » ou « actif » a été faite en octobre 2020.
Environ 60% des bénéficiaires sont des femmes et, au moment du dépôt de leur dossier, la proportion des bénéficiaires ayant moins de 30 ans est passée de 20 % parmi les dossiers « passifs » à près de 50 % pour les dossiers « actifs ». Il y a une volonté de la FgD ces dernières années de cibler les jeunes.
L’ensemble des bénéficiaires (i.e. dossiers « actifs » et « passifs ») a été sondé entre le 26 novembre 2020 et le 17 avril 2021. Des 317 personnes comptabilisées parmi les dossiers « passifs », 142 ont entièrement rempli le questionnaire (en ligne). Soit un taux de réponse de 45 %. Ce taux grimpe jusqu’à 57 % pour les 386 dossiers « actifs » (221 ont donc répondu) ! Des taux exceptionnellement élevés pour une récolte de données basée sur un questionnaire en ligne. Ce premier signe de reconnaissance envers la FgD se confirme par de très nombreux et chaleureux messages que les bénéficiaires ont pu laisser à la fin du questionnaire.
- Il n’est dès lors pas surprenant d’avoir près de 96 % des bénéficiaires associés à un dossier « actif » qui disent être très satisfait.e.s des services de la FgD. Les 4 % restant sont « simplement » satisfait.e.s.
Selon la dernière enquête sur les revenus et les conditions de vie (SILC) en Suisse (OFS, 2019), la satisfaction dans la vie de la population adulte est d’environ 80 % en moyenne. Un niveau de satisfaction qui n’est toutefois que de 70 % en moyenne pour la population se situant dans le premier quintile des revenus. Pour la population de bénéficiaires de la FgD, nous avons mesuré un score moyen de satisfaction dans la vie qui est de 64 %.
La comparaison des salaires médians (pour un plein-temps) dans le canton de Genève (CHF 7'555 en 2020) et parmi les bénéficiaires de la FgD (CHF 4'287) montre que la quasi-totalité de ces dernier.ère.s qui ont un emploi peuvent être objectivement considéré.e.s comme des « bas salaires ». Seul un petit pourcentage jouit d’un salaire supérieur au salaire médian du canton.
Nous avons aussi demandé aux bénéficiaires dans quelle mesure trouver un (nouvel) emploi leur serait difficile.
Globalement, un peu moins de la moitié estime que ce serait difficile voire très difficile. Une proportion qui est logiquement plus élevée pour celles et ceux qui n’avaient pas d’emploi au moment de répondre, comme pour les plus de 50 ans.
Les principales sources d’endettement sont les primes d’assurances maladie, les frais médicaux, les impôts et le crédit (à la consommation).
- La majorité des bénéficiaires n’ont pas contracté de nouvelles dettes, soit 75 % (92 %) pour les dossiers « passifs » (« actifs »). Parmi les personnes qui ont contracté une nouvelle dette, plus de trois sur quatre signalent toutefois un niveau d’endettement qui est inférieur à celui atteint lorsqu’elles avaient déposé leur dossier auprès de la FgD.
- Nous leur avons également demandé dans quelle mesure la FgD les avait aidés à améliorer la gestion de l’argent. Plus de la moitié (53%) ont déclaré que c’est grâce à la FgD qu’elles et ils gèrent mieux leur budget aujourd’hui.
La corrélation entre l’impact financier de la pandémie Covid-19 et la probabilité d’avoir de nouvelles dettes est clairement positive et significative (d’un point de vue statistique). Le niveau d’estime de soi est également corrélé avec le ré-endettement, mais de manière négative. Autrement dit, les personnes ayant accumulé une nouvelle dette ont un niveau d’estime de soi qui est significativement inférieur.
La très grande majorité des bénéficiaires de la FgD n’a jamais eu de problème avec la justice (79%), une dépendance à l’alcool ou la drogue (81%) voire aux jeux d’argent (85%). À l’inverse, les problèmes administratifs, de santé, d’emploi ou familiaux concernent une majorité de ces personnes.
L’impact « subjectif » de la FgD sur la résolution (ou du moins la réduction de l’impact) de ces problèmes a été particulièrement marqué sur l’administratif (pour 72 % des bénéficiaires), mais également sur l’emploi (37 %), la famille (32 %) ou encore la santé (44 %).
A l’instar de la littérature sur le sujet, ces résultats confortent l’idée que l’impact économique d’une fondation telle que la FgD sur ses bénéficiaires et leurs familles ne se limite pas à une modification de leur contrainte budgétaire.
La littérature montre qu’une situation de surendettement génère des effets (néfastes) sur la santé des personnes, donc sur leur capital humain. Afin de pouvoir évaluer ce type d’impact, nous avons demandé aux bénéficiaires des dossiers encore « actifs » de répondre à des questions d’ordre socio-sanitaire en se remémorant leur situation, dans un premier temps, avant le dépôt de leur dossier auprès de la FgD puis, dans un deuxième temps, une fois que leur dossier avait été accepté.
Les résultats sont synthétisés dans la figure ci-dessous.
- Avant dépôt du dossier auprès de la FgD, environ 3 personnes sur 4 estiment que leur situation financière avait un impact (négatif) sur leur santé psychologique comme sur leur sommeil. Une fois le dossier accepté, c’est moins de 1 personne sur 3 qui signale ce type d’impact.
- Avant dépôt du dossier, 1 personne sur 2 dit que sa situation financière avait un impact (négatif) sur sa vie sociale. Après acceptation du dossier, ce n’est plus que 1 personne sur 6 qui le pense.
Afin de valider ces derniers résultats, nous avons à nouveau demandé aux bénéficiaires qui étaient encore en lien avec la FgD (i.e. les dossiers « actifs ») de répondre à un deuxième questionnaire, entre le 19 octobre et le 16 novembre 2021, qui contenait justement ces mêmes questions d’ordre socio-sanitaire. Dans ce cas nous avons comparé les réponses obtenues lors du premier questionnaire à propos de leur perception sur la situation « avant dépôt du dossier » avec celles récoltées lors de ce deuxième questionnaire. Les résultats sont confirmés de manière très significative.
Nous avons également évalué l’impact de la FgD sur des compétences dites sociales (ou socio-affectives), comme l’estime de soi ou encore la persévérance, et ce à partir d’indicateurs « standards » variant de 0 à 1. Ce dernier indicateur permet d’évaluer la persévérance (ou ténacité) qui caractérise les personnes lorsqu’il s’agit d’atteindre des objectifs de long terme. Cet indicateur est fortement corrélé avec la réussite dans les études et sur le marché de l’emploi. Dans le contexte de la FgD, cet indicateur nous permet de capter la capacité de la personne à se projeter dans un désendettement et à s’y investir.
L’indicateur de persévérance a augmenté dans le temps de manière forte et significative, notamment pour les personnes les plus jeunes (30 ans et moins) : après 6 à 9 mois, la valeur moyenne de l’indicateur pour cette population de bénéficiaires a été multipliée par trois.
De manière générale, nos résultats rappellent l’importance de considérer le surendettement des personnes (physiques) comme un phénomène ayant des causes et des effets de natures diverses. Diminuer la vulnérabilité financière des individus par un désendettement approprié a des effets positifs sur leur capital humain et par conséquent sur leurs revenus futurs.
Plus d'informations
Rapport final complet - 15 juillet 2022
Fondation genevoise de désendettement – FgD
Article de la Tribune de Genève : Les dettes nuisent gravement à la santé: la preuve!
A propos des auteur·e·s
José Ramirez
Professeur HES, économiste du travail
Filière économie d'entreprise
Michael Duarte Gonçalves
Assistant HES
Valeria Valentino
Assistante HES