Etude
Enquête sur le Grand Genève, sa mobilité, sa population et son désir de vivre ensemble
Une étude de Caroline Schaerer, Maître d’enseignement HES à la Haute école de gestion de Genève.
Communiqué de presse HES-SO Genève
Les habitant-e-s du Grand Genève se disent plutôt satisfait-e-s de leur vie, bien que leur satisfaction ait légèrement baissé depuis le dernier sondage, réalisé en 2018. La question du vivre ensemble divise et diffère des deux côtés de la frontière. Quant à la thématique des transports, elle reste prioritaire : l’arrivée du Léman Express n’a pas réglé cette problématique. Zoom sur la perception des résident-e-s du canton deGenève, du district de Nyon, ainsi que des départements français de l’Ain et de la Haute-Savoie à propos de nombreux aspects liés à larégion.
L’étude « Grand Genève : sa population et son désir de vivre ensemble » que vient de réaliser Caroline Schaerer, du Centre de Recherche Appliquée en Gestion (CRAG), de la Haute école de gestion de Genève (HEG-Genève) sur mandat de la HES-SO Genève, vise à apprécier la qualité de vie et la volonté de vivre ensemble des habitant-e-s du GrandGenève. Cette agglomération compte 209 communes situées dans le canton de Genève, le district de Nyon, ainsi que les départements français de l’Ain et de la Haute-Savoie. Elle compte au total près d’un million d’habitant-e-s. Une enquête similaire a été menée en 2016 et en 2018. L’objectif de cette troisième édition est non seulement d’analyser les évolutions des indicateurs, mais également de compléter l’appréciation de la problématique de la mobilité des précédents sondages, en intégrant de nouvelles questions relatives à la mise en exploitation du Léman Express. Elle s’est basée sur plus de 1'100 interviews1.
Satisfaction élevée quoiqu’en légère baisse
Le baromètre de satisfaction de la vie (moyenne de 7.5 sur 10) montre que les sondé-e-s sont plutôt satisfait-e-s de leur vie. Cette satisfaction a toutefois légèrement baissé depuis 2018 (7.8) et 2016 (7.9), et ce fléchissement est constaté dans toutes les régions du Grand Genève, hormis la Haute-Savoie. Cette légère baisse de satisfaction peut être liéeà la situation de pandémie prévalant au moment du sondage. L’étude a cherché à savoir quels sont, parmi différents facteurs proposés (situation financière, situation des proches, des enfants, isolement et solitude, incertitudes...), les deux premiers facteurs d’inquiétude liés à la situation sanitaire. Au-delà du risque de contracter le Covid, c’est l’incertitude et la situation des proches qui ressortent le plus fréquemment comme premier facteur d’inquiétude. En revanche, en adéquation avec les résultats sur la perception de la situation économique des ménages (voir ci-dessous), la situation financière ne figure pas parmi les préoccupations des répondant-e-s.
Qualité de vie jugée bonne
L’indice synthétique de la qualité de vieestbasé sur la satisfaction des répondant-e-s concernant plusieurs dimensions (environnement de vie, sécurité, santé, travail, logement, relations personnelles et temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail), chacune évaluée individuellement. En 2021, cet indice pour l’ensemble du Grand Genève (0.66) montreque la qualité de vie y est relativement élevée.
L’analyse individuelle des différentes dimensions de la qualité de vie révèle que seul l’aspect de l’état de santé ne s’est pas modifié au niveau global depuis 2016. La qualité des relations personnelles a diminué, tandis que les évaluations des autres dimensions se sont améliorées. C’est pour la dimension du temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail que l’amélioration est la plus marquée, et cela particulièrement dans les régions françaises. C’est également pour ce dernier point que les appréciations de la qualité de vie diffèrent le plus entre les régions du Grand Genève.
En outre, il ressort qu’en 2021, tout comme en 2018, l’appréciation de la qualité environnementale est statistiquement plus faible dans le canton de Genève par rapport aux autres régions. Au niveau des désagréments environnementaux, c’est la présence de bruits externes autour du logement qui pose le plus de problèmes, suivi par la présence de poussières de rue et d’odeurs, et par la pollution de l’air.
Enfin, contrairement aux sondages précédents, l’âge a en 2021 une influence significative sur la qualité des relations personnelles : les plus jeunes sont en moyenneles moins satisfait-e-s. Cette évolution pourrait s’expliquerpar le fait que les 18-34 ans vivent plus mal les restrictions gouvernementales liées à la pandémie.
Le Grand Genève (un peu) mieux connu...
Au niveau des connaissances générales de cette agglomération transfrontalière, 82% des répondant-e-s ont déjà entendu parler du Grand Genève, ce qui est pratiquement 20% de plus qu’en 2016. Toutefois, parmi les sondé-e-s qui ont déjà entendu parler du Grand Genève, 38% ne savent pas, ou pensent à tort, que leur commune de résidence n’en fait pas partie.
Source: site internet du Grand Genève
...mais le sentiment d’appartenance stagne
Le baromètre d’appartenance (valeur moyenne de 5.8 sur l’ensemble des régions) montre que le sentiment d’appartenance au Grand Genève est plutôt moyen et qu’il ne s’est pas modifié depuis 2016. Ce sentiment est plus faible dans le district de Nyon, où pratiquement une personne sur trois le qualifie d’inexistant. Globalement, les nouvelles infrastructures du Léman Express n’ont pratiquement pas eu d’impact significatif sur cette perception. 20% des sondé-e-s de la Haute-Savoie jugent tout de même que le Léman Express a un impact élevé sur leur sentiment d’appartenance au Grand Genève.
Le Grand Genève jugé plus utile en France
Le baromètre d’utilité et de cohérence dans le développement du Grand Genève illustre le fait qu’avec une moyenne de 6.9, les répondant-e-s jugent le Grand Genève comme relativement utile, appréciation restée globalement stable depuis 2016. Son utilité est jugée plus élevée dans les régions françaises.
En quoi précisément le Grand Genève est-il utile ? Quand il s’agit d’entrer dans les détails, les sondé-e-s peinent à répondre. C’est ce que montrent les faibles valeurs de l’indice synthétique de l’utilité (0.23 pour l’utilité globale), qui cherche àsavoir pour quelles dimensions le développement du Grand Genève pourrait être utile pour améliorer le bien-être de ses habitant-e-s. L’indice synthétique montre que ce sont dans les dimensions de la vie culturelle et de la mobilité où le Grand Genève semble le plus utile, mais même sur ces deux critères,l’utilité moyenne reste peu élevée.
La perception de son utilité pour améliorer la mobilité et pour trouver un emploi stagne depuis 2016. L’appréciation moyenne de toutes les autres dimensions de l’utilitéa diminué durant cette période. Ainsi, le Grand Genève est aujourd’hui jugé beaucoup moins utile qu’en 2016 et en 2018 pour améliorer les conditions de logement (moyenne de 3.6 contre 4.6) ou encore la sécurité personnelle (3.8 contre 4.6).
Un développement plus cohérent
Les répondant-e-s estiment que le Grand Genève se développe de manière moyennement cohérente (5.5). Mis à part le département de l’Ain, toutes les régions jugent néanmoins son développement plus cohérent qu’auparavant (4.9 en 2018). Il persiste toutefois encore en 2021 une différence significative d’appréciation entre le département de la Haute-Savoie (qui est le moins critique) et le district de Nyon (qui est le plus critique) sur la cohérence du développement du Grand Genève.
Volonté de vivre ensemble notée sévèrement
Le radar du vivre ensemble dans le Grand Genève vise à mesurer la volonté des habitant-e-s de converger vers un territoire plus intégré institutionnellement et administrativement. La volonté de vivre ensemble est notée relativement sévèrement sur l’ensemble des régions, avec des valeurs moyennes faibles notamment pour la création d’institutions politiques communes et la disparition des frontières administratives.
A l’instar de l’utilité, la question du vivre ensemble divise, les répondant-e-s Français y étant largement plus favorables que les Suisses. Ce clivage apparaissait déjà dans les précédents sondages. Depuis 2016, il n’y a que dans le département de l’Ain que la volonté de vivre ensemble augmente. Cette hausse résulte de la plus grande volonté de participer au financement d’infrastructures et de créer des institutions politiques communes.
Echanges transfrontaliers élevés
Les échanges transfrontaliers dans le Grand Genève sont élevés. Environ 40% des personnes actives dans l’Ain et la Haute-Savoie et un tiers pour le district de Nyon travaillent ou étudient dans le canton de Genève. Concernant, la consommation de biens et services, c’est pour les achats que les échanges sont les plus intenses, suivis par les activités de culture et de loisirs. La mise en service du Léman Express pourrait renforcer la consommation transfrontalière, notamment pour ce qui concerne les activités culturelles et de loisirs. Environ 30% des répondant-e-s des départements de l’Ain et de la Haute-Savoie pensent augmenter durablement leur consommation de culture et loisirs sur Suisse suite à l’arrivée du Léman Express. Le district de Nyon, qui est le plus sceptique par rapport au Grand Genève (particulièrement au niveau de l’utilité et de la volonté de vivre ensemble), se révèle également être la région pour laquelle les échanges entre les régions du Grand Genève sont les moins élevés.
Avis divergentssur le Léman Express
La thématique des transports, jugée prioritaire dans les précédents sondages, reste en tête des préoccupations,même si son importance relative s’est réduite par rapport à 2018. Cette atténuation s’explique certainement en partie par le télétravail résultant de la pandémie. Et quel rôle a joué la mise en service du Léman Express ? 16% des répondant-e-s sur l’ensemble du Grand Genève déclarent avoir modifié leurs habitudes de déplacement depuis la mise en service du Léman Express, avec des larges variations régionales : seul-e-s 5% des sondé-e-s du département de l’Ain répondent positivement, contre 13% en Haute-Savoie et 20% dans le canton de Genève. Pour cause, seul-e-s 7.6% des répondant-e-s de l’Ain déclarent utiliser les nouvelles infrastructures du Léman Express sur une base régulière (au moins 3 ou 4 fois par mois), contre 24% dans le district de Nyon.
Par ailleurs, si seulement 12% de l’ensemble des répondant-e-s jugent que le Léman Express a fortement amélioré leur mobilité, 40% de celles et ceux qui l’utilisent de manière régulière en sont très satisfait-e-s (et 40 autres pourcents indiquent qu’il a moyennement augmenté leur mobilité).
Au final, la problématique des transports n’a pas été résolue avec la mise en service du Léman Express. A noter en outre que ce dernier est perçu par beaucoup de répondant-e-s comme peu pratique, hors de portée ou cher. Il y a donc encore beaucoup d’attentes relatives à l’offre de transports, mais aussi à tous les aménagements qui pourraient faciliter les déplacements et inciter au report modal.
Perception plutôt positive de la situation économique
Réalisé durant la pandémie de Covid-19, le sondage montre que la perception de la situation économique (aides éventuelles de l’Etats incluses), mesurée par la capacité des ménages à joindre les deux bouts à la fin du mois, est relativement élevée (moyenne de 7.6 sur une échelle de 0 à 10) et est même meilleure que dans les deux précédents sondages.
De manière surprenante, la situation sanitaire ne semble pas avoir eu d’impact négatif sur l’appréciation de la situation financière. Ce résultat peut notamment s’expliquer par la baisse probable des dépenses dans les activités de loisirs suite aux restrictions gouvernementales mises en place pour lutter contre la pandémie.
Il faut toutefois noter que 13% des répondant-e-s déclarent avoir subi des baisses d’heures travaillées et 9% indiquent ne plus travailler.
Autre bémol : près de 20% des répondant-e-s relatent avoir de la peine à joindre les deux bouts, avec un pourcentage plus élevé dans l’Ain (26,2%) et plus faible dans le canton de Genève (18,2%).
Parmi les éléments encourageants pour l’avenir, les habitant-e-s du Grand Genève qualifient de très faible leur risque d’être au chômage dans les douze prochains mois et ce, quels que soient l’âge, le genre ou la région.
L’étude complète « Grand Genève : sa population et son désir de vivre ensemble »
De Caroline Schaerer peut être conultée sur le site d'ArODES (open archive de la HES-SO)
Informations complémentaires
Caroline Schaerer
Maître d’enseignement HES à la Haute école de gestion de Genève (HEG-Genève)
+41 22558 53 01
caroline.schaerer@hesge.ch
François Abbé-Decarroux
Directeur général de la HES-SO Genève
+41 22 388 65 05
francois.abbe-decarroux@hesge.ch
Aline Yazgi
Responsable information et communication HES-SO Genève
+41 22388 65 31
aline.yazgi@hesge.ch
Sondage réalisé entre le 23 janvier 2021 et le 15 mars 2021 par la société DemoSCOPE auprès d’un échantillon de plus de 1'100 interviews, élaboré de manière à obtenir suffisamment de répondant-e-s dans chaque région du Grand Genève.